Deux compères, le longiligne et batailleur Jean et le petit disgracieux Louis, vont de ville en ville, vivant de tricheries et de rapines, portant dans un sac la tête bien vivante, bavarde et indestructible du comédien Charles, ramassée dans le théâtre d’une bourgade désertée. Tout le pays vit dans la crainte de l’irruption du Poilu, un monstre humain exterminateur, puissant comme cent armées, dont seul l’Indien Miguel sait l’origine.
Que de pérégrinations, d’aventures et de figures extravagantes dans cet univers fantasque aux villages d’aspect moyenâgeux et aux landes ou forêts pouvant évoquer l’Amérique du Sud ! Le récit est aussi délié que le dessin. Noir et blanc, trait souple et incertain, bulles démesurées ectoplasmiques, visages déformés ou approximatifs, surfaces veloutées de gris ou tachées de charbon donnent un sentiment d’irréel – fatigant à la longue – à cette espèce de western déjanté où on se massacre gentiment en permanence. Le foisonnement des péripéties et quelques imprécisions narratives exigent un peu d’attention. Un conte débridé, déconcertant, à l’instar du titre : le Poilu n’a pas un poil !