Le soldat Roubakhine appréciait la beauté de la nature, mais il n’était pas préparé à la beauté humaine. Lorsqu’au cours d’une manoeuvre il fait prisonnier un beau soldat, un trouble inattendu le submerge et le fige, entraînant sa culpabilité. Cette grande charge émotionnelle d’hommes isolés depuis des mois se retrouve dans une seconde nouvelle où, dans un bagne de la Taïga, d’autres êtres sont confinés. Mais ici, c’est la haine qui déferle et les exactions s’enchaînent après le relâchement de la discipline, dû au retournement politique de Moscou. La jalousie et le sacrifice de soi s’inscrivent enfin dans les deux dernières nouvelles où le changement de régime et les inégalités qui se creusent, déjà évoqués dans Underground (N.B. déc. 2002), entraînent bévues et débordements.
Il y a un sentiment d’urgence chez ces hommes, submergés par leurs émotions, véritables champs d’exploration de la nature humaine, que Vladimir Makanine met en scène dans une langue sobre et pathétique, touchant parfois au tragique. Et si la montagne cristallise les rêves et que la femme fait office de sentinelle, le bonheur est ici rarement au bout de l’espérance.