Le projet Lazarus

HEMON Aleksandar

Qui était Lazarus Averbuch ? Ce jeune Juif ukrainien échappé des pogroms, émigré à Chicago, considéré comme anarchiste, est tué par la police en 1908 dans des circonstances mal élucidées. En écho, cent ans plus tard, l’écrivain bosniaque d’ascendance ukrainienne, Vladimir Brik, lui-même exilé à Chicago, projette d’écrire sur ce fait divers. Avec Rora, l’ami d’enfance photographe, il part sur les traces de Lazarus dans un long périple est-européen, parcourant des pays dévastés par les guerres, croisant de multiples destins, rejoignant et réécrivant l’histoire sur fond de drames, d’interrogations existentielles sur son propre passé, entre humour diffus et pure douleur. Se trouvera-t-il enfin ?

 

Ce roman puissant, au souffle épique soutenu, laisse le lecteur abasourdi. À la première personne, l’écrivain hurle le présent d’un homme révolté au verbe provocateur, dénonçant l’injustice, l’absurdité des guerres et le déracinement, prolongeant ainsi L’Espoir est une chose ridicule (NB mai 2003). De remarquables photos en grisaille introduisent les chapitres. Artistiquement floues, elles soulignent l’impossible accès au réel et alternent avec des portraits au regard éperdument tragique. Ce livre torrentueux et talentueux dit le malheur de l’étranger dans un ailleurs – le rêve américain – qui ne le comprend pas et auquel il ne peut adhérer.