Le reste est silence

GUELFENBEIN Carla

Deuxième livre traduit en français d’une romancière chilienne qui commence à faire parler d’elle, ce récit à trois voix dit la souffrance muette d’un peuple, d’une famille, d’un enfant. Il est surtout le bouleversant portrait d’un gamin intelligent et trop solitaire vivant au milieu d’adultes aveuglés par leurs problèmes personnels. Émouvant de profondeur et de sagesse, de réalisme et de poésie. 

 

Né avec une très grave malformation cardiaque, Tommy, âgé de douze ans en paraît huit, mais raisonne comme un adulte. Fragile, il vit dans un cocon, celui de la grande bourgeoisie à Santiago du Chili, avec pour seul ami Kájef, l’alter ego qu’il s’est inventé. Réfugié dans sa chambre, il manie avec dextérité ordinateur et crayons de couleur. Ses dessins jalonnent le récit de sa vie. Pauvre Tommy, son père l’aime sans le comprendre, sa nounou le dorlote, sa jeune belle-mère, Alma, se veut compréhensive, son grand-père cherche à l’éduquer, mais personne, personne ne lui parle jamais de sa mère, morte après une longue hospitalisation sept ans auparavant. Troublé par des bribes de conversation qu’il a enregistrées sur son Mp3 – c’est chez lui une manie -, Tommy entreprend des recherches et découvre les circonstances du suicide de sa mère que chacun s’ingénie à lui cacher. Pendant que le jeune garçon bouillonne intérieurement, le père, surinvesti dans son travail de chirurgien, délaisse Alma qui renoue alors avec un amour de jeunesse. Puis, brusquement, le fragile équilibre de chacun est rompu.

 

Après Ma femme de ta vie, son deuxième roman dans lequel Carla Guelfenbein abordait le thème de la résistance à la dictature chilienne, ce troisième livre dresse avant tout le bouleversant portrait d’un gamin intelligent et trop solitaire au milieu d’adultes aveuglés par leurs problèmes personnels. Le reste qui est silence, pour reprendre le beau titre du roman, c’est la souffrance enfouie d’un peuple, d’une famille, d’un enfant dont l’omniprésente quête d’amour donne à ce récit très émouvant sa profondeur et sa sagesse. L’auteur parvient dans ce récit à trois voix, annoncées chacune par un symbole explicite, à entremêler, avec une grande fluidité et beaucoup de finesse, la diversité des sentiments. Ainsi fait-elle alterner vitalité et fragilité, réalisme et poésie, candeur et lucidité, comme dans la vie vue avec les yeux de Tommy, cet enfant si  extraordinaire.