Années 1970. Dans un village côtier paradisiaque du Cameroun, le pêcheur Zacharias Mecobé mène une existence frugale mais heureuse avec son épouse et leurs deux filles. Une société d’exploitation forestière s’installe dans la région et, au nom du progrès, bouleverse à jamais leur mode de vie traditionnel. Quelques décennies plus tard, un autre Zacharias est contraint à fuir « comme un voleur » son pays et sa mère, Dorothée, une prostituée alcoolique, pour se construire une vie à Paris.
L’écrivaine camerounaise, d’expression française, Hemley Boum (Les jours viennent et passent, Les Notes octobre 2019) a été distinguée par plusieurs prix littéraires pour ses premiers livres. Dans ce cinquième roman, elle tisse dans un subtil entrelacement deux histoires qui se font écho, celles de deux orphelins de père dont les rêves d’une vie meilleure ont été brisés à la suite d’un larcin qui a fait voler en éclats le fragile équilibre familial. Si Zacharias le pêcheur ne se releva jamais, plus tard Zack réussit ses études et fonde une famille heureuse à Paris mais au prix de l’exil et de l’arrachement à son milieu d’origine. L’autrice met en place avec une grande maestria l’engrenage tragique qui conduit à des catastrophes. Dans une langue poétique et imagée, colorée par les idiomes locaux, elle brosse des portraits complexes et magnifiques de femmes surtout, qui savent par leur ténacité tenir à distance la malédiction. Une belle méditation sur les fascinantes mémoires et transmissions familiales. (A.K. et M.Bo.)