Il avait à peine onze ans quand le juge l’a envoyé en maison d’éducation surveillée, pour un méfait qu’il n’avait pas commis. Dans la forteresse qui surplombe le port de Belle-Île-en-Mer, c’est en enfer qu’il arrive. Il y passe de longues années, partageant avec ses congénères le triste privilège d’être victimes de toutes les maltraitances : coups bas, brimades, cellule d’isolement, abus en tous genres… Il faut avoir la vie furieusement chevillée au corps, être encore capable de croire à une autre issue, et entretenir la rage de sortir vivant de l’enfer, pour voir défiler des jours mornes sans être acculé au pire.Belle-Île-en-mer eut la réputation d’être parmi les plus dures des Maisons d’éducation surveillées — terminologie pudique pour Maisons de redressement qui ne furent fermées qu’en 1977. Inimaginable ce que l’on faisait subir à de jeunes garçons pas tous coupables, si ce n’est d’être nés et d’avoir grandi hors de tout cadre familial ou affectif. Les rigueurs de la justice, la méchanceté ou la perversité maladive des adultes auxquels on confiait leur sort, l’ambiance horrible de ce bout d’île perdu, les hiérarchies entre pupilles tout aussi agressifs entre eux, la fragilité de certains conduits au suicide ou morts sous les coups… Tout est dit à travers un récit aux accents crus et poignants, qui sait pourtant susciter la tendresse que l’on éprouve instinctivement pour le héros. Un coup de poing pour un travail de mémoire sensible et émouvant.
Le silence des oiseaux
PIATEK Dorothée