La première guerre mondiale et les années noires qui ont suivi. Le narrateur, ancien combattant, est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917 que sa mère s’acharne à croire vivant. Il enquête à Paris, dans les registres chargés de la comptabilité macabre des pertes humaines de la guerre, et sur le terrain, hanté par ses propres souvenirs, à la recherche du soldat Émile Choplain.
Cette guerre a généré tant de témoignages, tant de fictions aussi, qu’on ouvre avec inquiétude chaque nouveau roman qui paraît sur ce thème. Sur l’horreur des tranchées, le bruit des armes et les cris des mourants, n’a-t-on pas tout écrit ? Sur les laissées pour compte de l’arrière en attente du retour des gueules cassée aussi… Mais Le soldat désaccordé explore un autre pan de l’histoire, celui des cœurs brisés : Émile est tombé amoureux avant de partir au front au point d’écrire tous les jours des lettres d’amour qui n’arriveront jamais car la destinataire vit en Alsace ! Celle-ci, avec un fol entêtement, parcourt le front à sa recherche ; elle est « la fille de la lune » que les soldats hallucinés voient se pencher sur eux au hasard des nuits. Le romancier double l’approche réaliste de son enquêteur d’une fantasmagorie poétique. Ce jeune couple arraché à une promesse de vie symbolise le gâchis absolu de ces années noires. L’émotion culmine dans l’artifice du dénouement de cette enquête. La poésie prend le relais pour dire ce qu’il y a de navrant dans l’existence. ( J.G et C.B)