Au milieu de nulle part, dans un Nébraska balayé par le blizzard, le train de western dépose son lot de fantômes, trois voyageurs frigorifiés qui se précipitent à l’auberge, bizarre saloon perdu dans la tempête. La soirée s’écoule d’abord normalement : les personnages aux trognes étranges parfaitement typées conversent, jouent aux cartes, tandis qu’un chat noir rôde à leurs pieds. Puis l’atmosphère bascule lorsque le Suédois, pris d’hallucinations, prédit sa mort imminente et devient incohérent… L’univers étrange mi-réaliste mi fantastique est remarquablement animé par un graphisme fort. Les crayonnés puissants et hachurés, les portraits sombres évoquant Bernard Buffet, les couleurs dominantes en concordance directe avec la température des lieux, engendrent un univers extravagant illustrant parfaitement l’intrusion de la folie dans un monde ordinaire et pourtant proche du fantastique. Regrettons que ce récit soit maintenu froid et lointain malgré le déploiement esthétique : le lecteur reste spectateur et peine à s’intéresser au personnage principal ainsi qu’aux péripéties qui le mèneront au dénouement final.
Le Suédois
GAULTIER Christophe