Le syndrome de glissement

À quatre-vingt-cinq ans, Julienne rejoint Les Mouettes, maison de retraite lucidement choisie. Elle en observe le quotidien si tristement rythmé : les pensionnaires dont les apparences et les comportements signent leurs dégradations physiques et mentales, la direction et le personnel aux démarches souvent caricaturales mais pas forcément inhumaines. Julienne devient chroniqueuse : diffusé, son récit provoque panique et rétorsions. Cependant présent et passé personnels s’y confrontent : la petite fille d’hier, tant aimée de sa grand-mère dont elle revit la déchéance, se revoit enseignante au pays de Colette, jeune célibataire et femme libre. Elle est aujourd’hui cette spectatrice désespérée et encore battante qui connaît son lendemain. Dans ce premier ouvrage, où de courts chapitres scandent un temps immobile, l’écriture juste, drôle, les formules cyniques et percutantes clament la misère, la solitude, la souffrance de cet autre encore vivant qui glisse sans bruit vers un oubli inexorable, bien avant sa fin officielle. Et dans cette tragédie silencieuse, quelques pâles rayons de compassion diffusent, au travers de ces pages poignantes et fortes, une lueur d’humanité.