Au coeur des montagnes de la Colombie-Britannique, à trois kilomètres d’une bourgade canadienne jouxtant la frontière des États-Unis, un couple de fermiers et ses quatre enfants forment une famille soudée présentant toutes les apparences d’un bonheur tranquille. Un jour de juillet 1966, un jeune Américain débarque chez les Ward pour être embauché… un garçon de ferme plutôt atypique : longs cheveux blonds, tunique indienne, guitare et sourire charmeur. Il dit s’appeler River et cherche un refuge puisqu’il s’est mis hors-la-loi en refusant, comme beaucoup d’autres, d’aller combattre au Vietnam. Il va, au fil des jours et des labeurs, conquérir le coeur et la confiance de chacun, de chacune, mais trouble pour toujours la cellule familiale, la précipitant malgré lui dans la tragédie. La fille unique de la maison, Natalie, alors âgée de quinze ans, fait le récit du drame quelque trente ans plus tard, lorsqu’elle revient au chevet de sa mère mourante.
L’intrigue se développe par étapes successives, tandis que Natalie, hantée par la culpabilité, recherche une vérité qu’elle avait toujours fuie. La figure de la mère, quant à elle, éclaire d’un jour poignant la société rurale d’alors, où frustrations et désirs restaient enfouis par peur du qu’en-dira-t-on. Si l’enchaînement des secrets, dévoilés l’un après l’autre, suscite un intérêt et un attachement grandissants pour cette famille, c’est bien par l’évocation de la vie laborieuse, frugale et chaleureuse, au temps heureux de la ferme que le roman semble particulièrement émouvant. Et puis, comment ne pas vibrer pour les paysages préservés de la Colombie-Britannique et pour ces lumineux portraits d’hommes et de femmes injustement bousculés, fracassés par la vie ? En arrière-plan, tragédie dans la tragédie, sévit la guerre du Vietnam, grand tournant historique des États-Unis qui se heurtent alors à une jeunesse contestataire. À la fois réaliste et romanesque, dur mais sans amertume, un livre qui laisse une profonde empreinte.