Huit cents pages pour décrire par le menu, à travers le quotidien de Chandni Chowk, la plus célèbre artère commerçante de Delhi, les multiples paradoxes de l’Inde moderne, ses castes, ses religions, la violence, la corruption : le pari est ambitieux. Prenant comme point de départ l’assassinat d’Indira Gandhi en 1984, et les nombreux troubles qui en ont résulté, l’auteur se lance dans une fresque très (trop ?) minutieuse, mettant en scène sur une quinzaine d’années ce petit microcosme d’hindous, musulmans, bengladeshis que tout sépare, mais que la misère rassemble en un réservoir sans fond d’hommes de main pour les politiciens et les profiteurs de tout poil. Du pauvre vendeur de thé, manipulé à des fins électorales, aux gamins prostitués, immolés par le feu ou poseurs de bombes pour quelques roupies, l’Inde d’en bas grouillante, douloureuse , sinistre, nous saute à la gorge.
La peinture est réaliste, crue, pessimiste. Intéressante cependant, bien qu’un peu confuse pour qui ne maîtrise pas les arcanes de l’âme indienne et de ses différentes castes. Confusion alimentée aussi par tous les mots et noms indiens avec lesquels il faut se familiariser. Sujit Saraf, brillant scientifique indien vivant désormais aux États-Unis, par ce premier roman, prouve qu’il n’a pas oublié les multiples visages de son pays. Une demi réussite.