1937, dans les sous-sols du métro de Leningrad en construction, un peintre russe payé par l’Etat, emploie son talent à effacer la présence des dissidents sur les tableaux et les photos. Il leur substitue des partisans du régime et y dissimule le visage de son frère disparu. Les retouches et falsifications sur un tableau représentant la campagne tchétchène auront des incidences sur le destin de personnages, exilés, soldats enrôlés, trafiquants de cocaïne. Dans ce roman à la forme libre déroutante, le jeune Américain Anthony Marra (Une constellation de phénomènes vitaux, NB octobre 2014) continue de centrer son histoire sur le conflit Tchétchène en y dénonçant d’une plume colorée, sarcastique pour les systèmes, attendrie pour les individus, la délation, la guerre, la corruption et les trafics. Des usines de nickel polluantes de Kirovsk en Sibérie, à Grozny, théâtre de conflits récurrents, les histoires s’imbriquent intimement pour un récit émouvant dans un puzzle compliqué à la chronologie déconcertante. Et montre l’indélébilité du souvenir, profond lien transgénérationnel dans cette Russie des petites gens qui ne font que survivre. L’humour décalé, le ton tour à tour sardonique ou délicat donnent à cette saga un ton poignant et attachant. (S.D. et C.R.P.)
Le tsar de l’amour et de la techno
MARRA Anthony