Pourquoi les songes ou les histoires paraissent-ils plus réels que la réalité ? Certains hommes seraient-ils prédestinés ? Darrell Standing est un scientifique perfectionniste et un rêveur impénitent. Ses qualités sont à l’origine de ses tourments mais aussi de sa survie. Auteur d’un crime de sang, il est arrêté et condamné à la prison à vie. C’est dans celle de San Quentin que son destin bascule. Alors qu’il voulait rendre plus efficaces les machines sur lesquelles triment les détenus, il reçoit une raclée des surveillants qui se termine au cachot. Mais la descente aux enfers ne fait que commencer à cause de Ceril Winwood qui l’accuse d’avoir caché dans la prison de la dynamite et des détonateurs. Si Winwood est libéré, le sort de Standing devient terrible car tous les moyens sont employés pour qu’il avoue ce crime imaginaire. Plus il proclame son innocence, plus cela renforce sa culpabilité. Pour ne pas succomber sous les coups, il s’invente un monde de liberté et voyage par la pensée dans le temps et l’espace. Faisant abstraction de son corps, il devient esprit et s’invente des personnages, des mondes…
Décidément, l’imagination prolixe de Jack London et le talent de Riff Reb’s se combinent à merveille pour créer cette pépite. La violence du monde carcéral, l’erreur judiciaire grossière, la bêtise et le mensonge ne peuvent venir à bout de la liberté, des rêves et de l’imagination. La mise en pages et le dessin sont complètement au service de la narration. Le trait est affiné et âpre. Les gris et le beige froid sont réservés à la détention telle une partition « de basse continue ». Ils permettent de faire ressortir avec brio les « lâchers prises » de l’inconscient et du romanesque qui, grâce à des couleurs douces, flottent de la petite enfance aux mousquetaires ou à l’Egypte des pharaons. Cette histoire n’étant pas terminée, on attend la suite avec gourmandise même si son côté élitiste risque de laisser indifférents certains lecteurs. (D.L. et V.L.)