Entre 1974 et 1979, Pol Pot dirige le Kampuchéa communiste. Par idéologie, il réduit la société aux paysans et aux ouvriers, et envoie ses Khmers rouges anéantir les opposants par la famine et la torture. Duch en est le théoricien : au Centre S 21, il enseigne comment extorquer des aveux programmés. Le voici maintenant emprisonné, répondant à Rithy Panh, cinéaste reconnu, qui fut sa jeune victime, et avec qui il a passé un pacte de vérité. Il écoute le récit de ce miraculé de l’horreur quotidienne décrite avec une précision insoutenable. Cultivé, formé à l’esprit des Lumières et chrétien converti, Duch ment, se retranche derrière sa hiérarchie, justifie cette tuerie – un million sept cent mille morts –, acte intellectuel d’un idéalisme absolu : « Les Khmers rouges, c’est l’élimination. L’homme n’a droit à rien.»
Cet ouvrage puissant et terrible, cosigné avec Christophe Bataille, interroge sur la capacité à vivre l’insupportable, sur le comportement sans émotion ni remords d’un humain, non-humain, tortionnaire responsable d’un effroyable génocide. Ce livre reste sûrement indispensable, car, malgré son enfance volée, l’auteur y rend un vibrant hommage au Cambodge d’avant, à sa famille effacée et aux morts sans sépulture dans cet enfer apocalyptique d’où il a pu revenir.