L’enfance future

BROUSTE Judith

Tissègre, ancien chirurgien militaire colonial devenu libéral, meurt près de Bordeaux. Transgressant un interdit d’enfance en pénétrant dans son bureau, sa fille Catherine découvre, consigné par le père, le compte-rendu de son quotidien. « Le livre de Catherine 1946-1959 » trace une enfant souffreteuse, veillée, surveillée par son géniteur. Emergent alors d’autres souvenirs, les coups, l’omniprésente guerre d’Indochine, de Lattre, Castries, Giap, Ho-Chi Minh commentés par les adultes, Raskolnikov, le héros criminel du conte narré le soir, Maria la mère furtive…  Judith Brouste (Le cercle des tempêtes, NB octobre 2014) construit son récit avec audace. Ses héros biographiques, fictionnels ou historiques évoluent dans un certain synchronisme de temps mais à des milliers de kilomètres, en des lieux intimes, des sites imaginés ou dans la fresque épique de combats d’Indochine. Partout flottent violence et équivoque : au sein de l’environnement familial, de la fable du coucher, des échanges contradictoires chuchotés comme des indiscrétions sur les faits et les finalités du conflit d’extrême orient. Ainsi l’enfant se construit entre des versions contradictoires entendues ou volées. L’écriture suggestive, le propos dense, parfois touffu mais toujours fort, retiennent l’attention. (C.R.P. et J.M.)