« Tu sais grand-mère, maman dit que l’on va mieux en disant ce qui ne va pas ». Alors Dounia se décide à raconter, sa petite fille sur les genoux, ce que celle-ci peut comprendre de son histoire – enfant heureuse et inconsciente de la défaite, jusqu’au moment du déclenchement de la traque contre les juifs et l’obligation du port de l’étoile jaune. Les humiliantes brimades à l’école, les amies qui vous tournent le dos, puis la vie terrée dans l’appartement. Suivent l’arrestation, les heures dans la cachette avant l’intervention des voisins, et la fuite chez la fermière.
Délicate transmission d’une page d’histoire douloureuse à des enfants. Dounia devenue elle-même grand-mère est le pivot de ce scénario : elle a survécu à l’épreuve, retrouvé un certain goût de vivre, s’est mariée… Son récit, à l’écriture simple, détaille surtout la solidarité dont nombre de Français ont fait montre. Les tons brun-sépia gris s’ouvrent aux couleurs quand la vie s’éclaire des surprises de la campagne, et les mots qui n’osent plus évoquer Papa et Maman, suffisent à faire comprendre le chagrin secret. La grande image pleine page de la mère revenue diaphane, l’oeil absent, dans le sinistre pyjama rayé, est aussitôt suivie de scènes positives, où, prise en charge avec amour, elle revient doucement à la vie. Le parti pris de présenter de larges visages sur des corps de très petite taille focalise sur les expressions et émotions.