L’envers du temps

Années 1970. Bruce Masson, ambassadeur à la retraite, est de retour à Salt Lake City quarante-cinq ans après en être parti, pour organiser les obsèques de sa tante. Il se revoit, jeune homme frêle, issu d’une famille modeste, en rivalité avec son frère, honnissant son père, protégé et aimé par sa mère, et travaillant dur pour réussir. Resté célibataire, il se souvient avec nostalgie de ses premières amours, de ses amis, mais hésite à renouer avec son passé.  Wallace Stegner (1909-1993) retrouve son alter ego romanesque. Une large part est faite à la peinture et à la poésie des paysages (Lettres pour le monde sauvage, NB septembre 2015), mais la trame de ce roman rétrospectif est la confrontation des souvenirs avec le présent et l’impression d’être spolié d’une partie de soi-même. C’est aussi l’occasion de s’absoudre des erreurs commises et des ratés d’une jeunesse, jugée a posteriori égoïste et peu glorieuse, et de « caviarder » définitivement son côté honteux et complexé. Construit avec rigueur, d’une écriture dense et précise, rendant compte de l’ascension sociale toujours possible, cette quête intérieure, quoiqu’un peu longue, se lit avec un intérêt croissant. (M.-A.B. et F.L.)