Dans la nuit, sans bruit, des enfants avancent à tâtons, suivis de leurs parents cachés sous leurs manteaux et leurs cheveux. Dès les premières lueurs du jour, les enfants dissimulent leurs parents au fond d’un fossé. La nuit tombée, la cohorte repart, toujours plus loin. Il faut la clairvoyance d’un tout petit pour remarquer le fil d’or laissé par une fourmi qui les guide jusqu’à un arbre étincelant de lumière d’où sort une vieille grand-mère. C‘est là que le village va être reconstruit. Pour reconstruire les hommes, des mots devront être mis sur les événements passés.
Les illustrations suivent la déambulation du groupe, jeu de pénombre aux silhouettes émaciées et hagardes. La fourmi jaune et le fil d’or sont peints en superposition, hautement symboliques, mince lueur d’espoir jusqu’à ce que la clarté gagne du terrain. Rien n’est dit d’un conflit particulier, tout se devine, pour n’importe quelle guerre civile ou génocide. À l’inavouable, à l’indicible, les enfants apportent leur énergie et une étonnante tendresse pour leurs parents. Les poupées, la grand-mère témoignent de l’importance du jeu et de la présence d’un adulte à la sagesse suffisante pour libérer la parole rédemptrice. L’auteur a créé cette oeuvre difficile et percutante en pensant au Rwanda mais son conte est universel. Effrayant, il suscite une prise de conscience des traumatismes consécutifs aux crimes de guerre. Pour adolescents et adultes.