Dès 1940, le ghetto de Lodz fonctionne de façon particulière. Son président juif, Rumkowski, nommé par les nazis, le transforme en y créant des ateliers très productifs et rentables, indispensables à l’effort de guerre allemand, espérant ainsi ajourner sa destruction, pourtant programmée depuis décembre 1939. En 1942, il planifie lui-même l’anéantissement des bouches inutiles, malades, vieillards, enfants, qui seront tués ou déportés, tandis que lui, vivant dans l’abondance et l’obséquiosité, enivré de sa puissance, se révèle un monstrueux pédophile. En 1945, après l’ordre d’Himmler de « liquider » le ghetto, les premiers chars soviétiques entrent en Pologne.
Extraordinaire et terrifiante fresque d’un monde tragique où la mort frappe n’importe où à chaque instant, ce roman, à l’écriture sobre, étayé d’innombrables documents authentiques, dit le quotidien apocalyptique de ces « dépossédés » de tout, en survie, soumis à des lois absurdes. On suit les personnages, on remonte dans leur passé, les retrouvant à propos d’autres gens mourant de faim, en recherche de leurs disparus. Rumkowski, traître ou héros dupé, reste cependant une sinistre marionnette et sûrement l’un des instruments les plus dociles des bourreaux nazis.