Anne Brunswic est écrivain et journaliste. Ses origines russes et son acharnement à mettre au jour les plus sombres heures de l’histoire stalinienne l’ont amenée jusqu’en Carélie, terre hostile et glacée au nord de la Russie. Là, en 1933, Staline a réalisé le chantier pharaonique du Belomorkanal, un canal reliant la mer Blanche au lac Onega, en faisant travailler cent soixante-dix mille prisonniers dans des conditions épouvantables, soumis au froid, à la faim, harassés par la fatigue et la maladie. Dans ce gigantesque camp de concentration, vingt-cinq mille hommes périrent. L’auteur part à la rencontre des survivants et de leurs descendants, et chacun raconte le canal à sa façon, et sa vie quotidienne aujourd’hui. Outre une partie historique fort bien reconstituée, le livre égrène le vécu, la meurtrissure, le malheur de ces Russes accablés et silencieux. Leur histoire poignante nous aimante, nous afflige jusqu’au chagrin. Jusqu’à la colère aussi, en lisant les éloges des écrivains (Gorki, Aragon) sur le « travail rédempteur et noble » pour le glorieux canal. À l’heure actuelle, les autorités russes occultent encore cette période tragique et honteuse de leur histoire, réhabilitent Staline. Et le peuple russe, qui a pourtant fait une révolution, se résigne.
Les Eaux glacées du Belomorkanal
BRUNSWIC Anne