Les embrouillaminis

RAUFAST Pierre

« Nous habitions au numéro 10 de la rue, dans un lotissement de maisons mitoyennes à deux étages. » L’autobiographie de Lorenzo commence ainsi par une très classique évocation de son enfance et d’un événement important pour le petit garçon qu’il était : l’arrivée de nouveaux voisins. Un homme ou une femme ? Avec ou sans enfants ? Ce souvenir vacillerait-il, comme tout ce qui suit d’un récit de vie couvrant les années jusqu’au moment de l’écriture ?

Explication trop simple : les hésitations de la mémoire ne sont pas la clef de ce roman. Certes nous n’avons qu’une vie et la réalité nous impose de renoncer à toutes celles qui nous auraient tentés. Qui décide ? La littérature peut balayer avec désinvolture cette assignation. Chapitre après chapitre, la ligne narrative ouvre sur une arborescence : le Mexique avec Lorenzo ou la vallée natale de Chantebrie avec le même Lorenzo. Au choix ! Le roman se déploie ainsi sans renoncement : récit d’enfance, roman d’aventure dans un Mexique baroque à souhait, roman noir avec meurtre, roman d’amour délicieusement trompeur, en un jeu d’écriture qui superpose les lignes, jouant sur les consignes de saut de page données par le narrateur pour suivre ici ou là le périple multiple du héros. On se passerait presque des interventions de l’auteur-narrateur qui explique sa stratégie car on se perd avec plaisir dans ce jeu de piste. (C.B. et S.H.)