Les fils de rien, les princes, les humiliés

GUIBOURGÉ Stéphane

Il a quitté femme et enfant, s’est isolé à la campagne pour retaper une ruine, afin d’accueillir le fils qu’il a abandonné. Il revit son passé tourmenté. Fils d’un ouvrier qui a été licencié, il quitte rapidement sa famille, s’acoquine avec des gitans trafiquants de voitures volées, les dénonce, entre dans une bande de casseurs néo-nazis, tue un homme, fait de la prison. Son mariage et sa paternité ont du mal à casser la spirale de violence et de haine dans laquelle il s’est engouffré. Dans une chronologie éclatée que l’on peine parfois à suivre, dans un récit débordé par les sentiments extrêmes qui agitent le narrateur, Stéphane Guibourgé (La première nuit de tranquillité, NB octobre 2008) fait le portrait d’une certaine jeunesse des banlieues des années quatre-vingt : les Trente Glorieuses touchent à leur fin, le contexte économique se durcit, tandis que s’amorce une mutation sociale avec l’apparition du chômage et la perte de valeurs traditionnelles. Avec le tempo haché de ce roman d’un grand pessimisme et grâce à une écriture travaillée alternant violence et poésie, l’auteur immerge le lecteur dans l’univers sombre de son héros, sans pourtant susciter une véritable émotion.