C’est l’enfer des tranchées et de la boue. Là où ils croupissent, ce sont les Folies Bergères parce qu’il fallait bien garder un peu d’humour au fond du coeur. Vraies taupes en sursis, ils ont encore la force de rêver à leur femme enceinte, à sa cuisine, à Jules Verne, et à dessiner. Mais comment expliquer que le juif ne soit pas mort après avoir été fusillé ? La situation devient intenable, les hallucinations envahissent les têtes : un accouchement, une gamine pleurant entre les lignes, c’est à devenir fou ! Et pendant ce temps-là, Monet peint ses Nymphéas sous l’oeil d’un gamin et de son ami Clémenceau.
On pourrait croire que tout a déjà été dit de l’horreur de la Grande Guerre. Et pourtant le duo Zidrou – Porcel en offre une magnifique variation qui sait émouvoir. Avec talent, ils concoctent un scénario complexe associant le réel des tranchées et le surnaturel des mirages, tandis que Monet, devant ses toiles, prend conscience des monstruosités du conflit. La mise en images, avec ses encrages appuyés, entourés d’ombres denses et de quelques rares points de couleur, traduit graduellement l’épouvante des combattants, et contribue à faire un album dur, éprouvant, mais débordant d’humanité.