Longtemps Michka, vieille dame autrefois correctrice, est restĂ©e autonome. Et dâun coup, elle a Ă©tĂ© incapable de vivre seule. Les mots lui ont Ă©chappĂ©, se sont entremĂȘlĂ©s, se sont vidĂ©s. Elle rejoint alors un EHPAD, une chambre impersonnelle, des jours scandĂ©s par les heures figĂ©es de trois prises alimentaires, une directrice pĂšte-sec, des exercices bihebdomadaires avec JĂ©rĂŽme, lâaimable orthophoniste. Et, le dimanche, la visite solaire de Marie quâelle a tant aidĂ©e autrefois. Â
AprĂšs Les loyautĂ©s (NB mars 2018), Les gratitudes : une exploration de la reconnaissance bien mise en scĂšne, dĂ©licate et forte que propose ici Delphine de Vigan. Elle y signifie quâil nâest jamais trop prolixe, jamais trop prĂ©maturĂ© dâexprimer sa gratitude. Merci. Ă chacun et Ă tous, Ă tout et Ă la vie. Son hĂ©roĂŻne principale, aphasique, parle avec les termes abĂźmĂ©s et cocasses de lâhomonymie lexicale approximative de sa maladie et cette confusion des mots, leurs ellipses, leurs Ă©clipses choisies finement pour mieux en dĂ©gager le poids. Il est urgent de remercier, dâoser dire Ă lâautre quâil compte avant quâil ne soit trop tard. La parole peut sauver, lâauteure lui rend un hommage sans grandiloquence. Câest simple, un peu triste. Câest beau. (C.R.P. et S.D.)