Mais comment peut-on être français ? s’interroge Hassan, diplomate à l’ambassade du Qatar à Paris, dans les lettres de plusieurs pages qu’il adresse plusieurs fois par mois à son frère Driss resté, lui, au pays. Avec humour, son regard distancié et pétillant décrit au quotidien les contradictions, prétentions, extravagances du Français moyen aussi bien que celles de nombreuses personnalités renommées du pays, qu’elles appartiennent au monde politique ou à celui des People. Chacun en prend pour son grade…
Le stylo d’Hassan, c’est, bien sûr, celui de Gilles Martin-Chauffier, reporter et journaliste connu, auteur de nombreux ouvrages de fiction (Clause de conscience, Les Notes février 2024). Le style de cet essai (Montesquieu aurait écrit « cette espèce de Roman ») est de fait un brio de mots. On pense à Daninos aussi. Chaque lettre commence par une antienne affectueusement sucrée, toujours nouvelle, à l’intention du cher correspondant. Puis elle décrypte de façon faussement ingénue ce qui pervertit une société française se prétendant le phare du monde, des plus grands aux plus humbles de ses concitoyens. Et bien que le Qatar parle l’arabe et non pas le persan, nous voilà dans les « lettres persanes » comme écrites par un Montesquieu contemporain narrant dans ses lettres les étonnements d’un étranger en terre française d’aujourd’hui, tant le procédé d’écriture est semblable. Le « plagiaire » enfonce un peu des portes ouvertes, est partial mais a toutes nos indulgences. De si savoureux et brillantissimes jeux de mots ponctuent ses portraits sarcastiques ou décoiffants ! Les piques font mouche ! Une verve décapante et ironique anime cette charge bien troussée, vacharde et, somme toute sans doute, plutôt pertinente. Un miroir tendu. Un plaisir d’écriture. Et de lecture ! (X.B. et C.R.P.)