« Ne dessine pas, regarde les ombres, laisse tes mains dans les poches » lui disait son professeur de dessin. Ce petit livre en est l’illustration car rien ne meurt dans le théâtre des souvenirs de l’auteur alors qu’il emprunte le train circulaire de Tokyo. Ses jeunes années, ses premières amours et son passé d’ouvrier chez Renault défilent dans le désordre. Un père, vendeur étalagiste, au caractère emporté, une mère, prêtresse en sa cuisine. Ensemble, ils fêtent les anniversaires, applaudissent les défilés des voitures de luxe à Granville… Bernard Chenez ne renie pas ses origines prolétaires ni les combats et la fraternisation de Mai 68, mais constate avec amertume la disparition de lieux emblématiques. Il lui faut faire avec et se défendre de la nostalgie. En courtes scénettes, légères, poétiques et tendres le plus souvent. Cependant la colère, le dégoût, un sentiment d’abandon et de solitude percent à travers l’évocation de la classe ouvrière oubliée. L’écriture imagée, drôle par moments, agrémente un voyage en apesanteur. Une agréable compagnie !
Les Mains dans les poches
CHENEZ Bernard