Adapté du livre de Yamina Benguigui, Mémoires d’immigrés, publié en 1997, ce roman graphique, divisé en trois parties: les pères, les mères et les enfants, donne la parole à des personnes d’origine maghrébine. À travers ces portraits choisis, c’est l’histoire des migrants d’Afrique du nord en France qui se dévoile : le sacrifice des pères, la découverte de la liberté, souvent, pour les mères; et même si les enfants vivent mieux que leurs parents, la blessure originelle demeure et il reste difficile d’être issu de l’immigration extra-européenne.
Jérôme Ruillier s’était distingué avec Le coeur-enclûme (BD du mois juillet 2009). Il signe un nouvel opus remarquable, rendu nécessaire par les tentatives d’ostracisation actuelles. Cet ouvrage émouvant et passionnant raconte l’exploitation, le racisme, l’humiliation, les bidonvilles, les espoirs et les déceptions, la ténacité, l’abnégation, les émerveillements et les victoires aussi, de cette population trop souvent réduite à des clichés stigmatisants. En contrepoint des témoignages, l’auteur ajoute quelques notes sur son expérience personnelle. Ses dessins au crayon noir sont d’une simplicité qui va à l’essentiel, et droit au coeur. La représentation animalière des visages, façon chats aux oreilles rondes, garantit l’absence de différence physique entre les Français « de souche » et les « Mohamed ». Une BD forte, à lire absolument.