Les oracles

KENNEDY Margaret

Angleterre, années 50. Un violent orage éclate sur le canal de Bristol… Une chaise de jardin frappée par la foudre est transformée en monstre échevelé et rangée dans l’appentis de Conrad Swann, sculpteur assez connu. Papa d’une nichée turbulente, ce sculpteur disparaît, sa compagne du moment abandonne les lieux et ses propres enfants, la double couvée se retrouve isolée et privée de la chaise lui servant à monter à leur arbre refuge. Swann devait concourir pour un Apollon ; une équipe d’amateurs d’art gérée par la détestable Martha croit avoir trouvé la statue dans l’appentis, et le notaire local est sommé d’utiliser son influence pour promouvoir l’Apollon supposé…

L’orage, cause de tout, est décrit doctoralement comme une pure merveille météorologique, puis on passe aux humains en trois lots : les enfants qui survivent à l’abandon des adultes grâce à l’imagination, la prétentieuse équipe d’amateurs nourrissant l’artiste, cygne perdu sur la terre provinciale voulant échapper à cette tutelle stérilisante, et enfin le notaire en proie au doute : il est, malheureusement pour lui, intelligent, sympathique, et la vie routinière de sa province le stérilise. Aux difficultés de cette vie étriquée propice soit à l’autosatisfaction, soit à la solitude mélancolique selon les tempéraments, le livre ajoute une belle réflexion sur les affres de la création artistique et un regard caustique sur la réception des œuvres d’avant-garde. L’auteure née en 1896 et morte en 1967, a écrit ce livre en 1955. Publié en France en 1959, il a été retraduit en 2024 : un rajeunissement qui vaut la peine et qui révèle les talents de satiriste d’une fine observatrice de la comédie humaine. (E.B. et A.K.)