Les passeurs de livres de Daraya

MINOUI Delphine

Banlieue rebelle de Damas, Daraya subit de 2012 à 2016 un siège imposé par le régime de Bachar al-Assad : bombardements, attaques aux armes chimiques et blocage du ravitaillement. De jeunes révolutionnaires syriens, au péril de leur vie, recueillent des milliers de livres, parfois abîmés, les restaurent et installent dans un sous-sol de la ville une bibliothèque secrète. Une voix, loin de celles d’un tyran et des terroristes, qui symbolise le refus de toute domination politique ou religieuse.  Grand reporter au Figaro, spécialiste du Moyen-Orient, Delphine Minoui vit à Istanbul. Découvrant, sur Facebook, une photo évoquant l’existence de cette bibliothèque, elle entre en relation avec ses fondateurs, correspond avec eux par Skype en dépit des difficultés de liaison. Omar qui dévore les livres une kalachnikov à la main, Shadi, photographe, cameraman, et d’autres révoltés animent les échanges. Au milieu du chaos, dans la ville martyre, ils résistent et témoignent. Les descriptions des lieux et des événements sont précises, l’analyse psychologique des acteurs de ce combat, fine et dénuée de pathos, le style nerveux. Un récit vivant, bien construit, un bel exemple de résistance et d’optimisme, un hommage au pouvoir libérateur de la littérature car « un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous » (Kafka). (M.F. et A.-M.D.)