Les pavots de la vieillesse : Sade à Charenton.

PARLANGE Anne, LESTRÉHAN Vincent

En 1803, Sade est enfermé par Fouché à l’hospice de Charenton où cohabitent aliénés, indigents et indésirables. Son séjour jusqu’à sa mort, en 1814, à soixante-quatorze ans (dont vingt-huit d’incarcération) est commenté, alternativement, par lui-même et par l’économe adjoint de l’hospice, Tonnerre. Deux inspecteurs de police perquisitionnent régulièrement sa chambre afin de l’empêcher de diffuser de nouveaux écrits après le scandale provoqué par Justine et Juliette. Sade gémit sur son passé et son enfermement, mais continue à exercer son charme auprès des femmes qu’il côtoie, notamment dans le cadre d’une activité théâtrale interne (accompagnée de soupers fins), considérée par le directeur, Coulmiers, comme un exutoire à la folie. En épilogue, un libelle blasphématoire retrouvé après sa mort, vitupérant Dieu, le Christ et les chrétiens. Ce court roman, écrit dans le style châtié du XVIIIe siècle, aux rares évocations érotiques, témoigne de la rage incontrôlée d’un homme arbitrairement détenu, analyse la personnalité du « divin marquis » qui « écrit des horreurs et n’en fait pas » et restitue les conditions dans lesquelles, sous l’Empire, Charenton était utilisé comme prison.