Pourquoi sa mémoire a-t-elle conservé ces poussières du passé lorsque tant d’autres ont disparu ? Gamal Ghitany, en évocations fragmentées, revit ces précieux souvenirs. Ils reviennent loin en arrière, ressuscitant des parcelles de son enfance modeste et heureuse dans une impasse du vieux Caire, ses parents vénérés, les maîtres et l’école, les artisans du quartier, les fêtes pieusement célébrées, les prières à la mosquée. Dans ce milieu étroit et paisible, une visite, un succulent dessert, un joli ou effrayant visage, tout prend un relief intense. Puis le monde s’élargit. Viennent les guerres – l’auteur les suivit en reporter – la révolution et la prison, la Haute Égypte natale, les voyages, la famille, les livres compagnons, l’observation favorite du ciel, et enfin la maladie, la mort proche peut-être… Gamal Ghitany, sensuel et sensible, apprécie les femmes et les mets, les parfums, les cafés où l’on fume le narghilé en liant amitié. Cent, deux cents tableaux, assez souvent redondants, presque toujours attachants, font pénétrer l’intimité d’une personnalité à la fois proche par son humanité et différente par sa culture. Après Le Livre des Illuminations (NB juin 2005), assez ésotérique, la description des petites gens, le souci des détails, la couleur du style se rapprochent ici de Naguib Mahfouz.
M.W. et N.C.D.