En 1922, dans une petite ville du Maghreb sous protectorat français, les populations se côtoient dans un ordre établi selon lequel les Européens, Les prépondérants, s’estiment les seuls civilisés. Lorsqu’une équipe de cinéastes américains vient réaliser un film orientaliste, leurs moeurs et leur libre comportement bousculent les traditions. Autour d’eux se crée un petit groupe amical, dont Raouf, jeune bachelier et fils de caïd, chargé de chaperonner la vedette du film et son amie journaliste, Ganthier, riche propriétaire terrien à l’ironie cinglante et la belle Rania, jeune veuve de caractère… Se tissent alors des liens d’amour plus ou moins partagés.
Dans cette fresque romanesque et historique cohabitent trois sociétés antagonistes : notables français, autochtones, arabes ou juifs, et américains. Personnage central, le fils du caïd – à l’écoute des mouvances européennes et communistes – représente la jeunesse lettrée du pays, séduite par les thèses nationalistes. Imbus de leur autorité, les coloniaux ne perçoivent pas la rapide désagrégation de ce monde. En dépit de quelques développements superflus, la puissance narratrice d’Hédi Kaddour (Savoir-vivre, NB février 2010) donne au récit, dont les personnages ont une réelle densité, une ampleur magistrale. (M.R. et M.-N.P.)