Tel est le nouveau Zimbabwe : d’un côté, chômage généralisé, folle inflation, pénurie de denrées essentielles, menace du sida, misère, corruption, rackets policiers, poids étouffant des familles et des traditions ; de l’autre, une classe politique avide et irresponsable, des riches proches du pouvoir gorgés de dollars, méprisant le peuple… Sur ce fond désolant, s’égrènent les treize nouvelles : les rares expatriés, partis grâce à l’argent laborieusement rassemblé, oublient les leurs, ou bien reviennent sans un sou ; les hommes sidaïques se marient et multiplient les maîtresses ; les marchands indiens exploitent leurs employés locaux.
Pas de quoi rire, en somme. Pourtant, ces constats rageurs réussissent à se nuancer d’un humour ironique, bien africain. L’insouciance née d’une bière ou d’un bon mot, le goût joyeux du plaisir atténuent l’amertume du tragique. Et chaque histoire, petite boîte précieuse, se referme sur ses personnages, vivants à les toucher, éclate parfois en les éparpillant… Un peu trop de mots en langue locale peut-être ? Néanmoins, Petina Gappah a bien du talent pour ce premier roman.