Mallarino est caricaturiste à Bogotá. Depuis quarante ans, il fournit quotidiennement à son journal un dessin stigmatisant les traits marquants d’une personnalité, assorti d’un commentaire incisif. Il a ainsi le redoutable pouvoir de discréditer quelqu’un, et s’assure l’admiration de l’opinion versatile, complice de l’humiliation infligée. Une cérémonie honorifique le propulse en pleine lumière. Une jeune femme aux souvenirs confus l’interroge sur un vieil épisode qui lui avait inspiré une caricature lourde de conséquences. Et s’il s’était trompé ? L’écrivain colombien Juan Gabriel Vásquez (Le bruit des choses qui tombent, NB novembre 2012) dresse d’abord le portrait d’un caricaturiste célèbre, à la fois dur et fragile, que sa femme a quitté. Mais surtout, il pose les questions essentielles sur le travail des journalistes et sur leur responsabilité. Il s’interroge aussi avec justesse sur le passé, sur la perception du passé, sur la vérité des souvenirs. Peut-on changer le passé et à quoi bon si le mal est fait ? Mieux vaut s’intéresser à l’avenir prévisible, quitte à se mentir à soi-même parce que la clairvoyance et la culpabilité sont traumatisantes et que l’oubli emporte tout… Un roman bien mené, qui fait réfléchir.
Les réputations
VÁSQUEZ Juan Gabriel