Les Révolutions de Bella Casey

MORRISSY Mary

Dublin, au tournant du XXe siècle. Pendant que ses frères fréquentent plus volontiers les pubs que l’école, Bella, une fille sérieuse, ambitieuse et pleine de principes, travaille dur, devient institutrice, un poste qui fait la fierté de ses parents. Harcelée, violée par un supérieur libidineux, pour éviter l’infamie elle épouse en hâte un simple soldat, bellâtre, pas bon à grand-chose sinon à lui faire des enfants. Adieu réussite sociale et considération de la famille. Pauvreté, maladie, mensonge, la déchéance s’installe inexorablement.  Cette malheureuse Bella n’est autre que la soeur aînée du dramaturge Sean O’Casey (1880-1964) qui, dans les six tomes de son autobiographie, ne lui consacra que bien peu de pages. Mary Morrissy (La côte d’Eve, NB mars 1998) s’engouffre dans ce vide, corrige cette ingratitude en la réhabilitant sans misérabilisme, la fait vivre avec réalisme et empathie dans le Dublin des quartiers populaires condamnés à la crasse et aux odeurs fétides. On entrevoit malgré tout, sur fond de début de luttes religieuses et sociales, un léger espoir d’amélioration de la condition féminine qui aura bien échappé à cette pauvre victime d’un machisme triomphant. Un très bon roman, de facture classique, comme les Anglo-Saxons en ont le secret. (C.-M.T. et E.A.)