Les singes rouges

ANNOCQUE Philippe

Elle a 90 ans, c’est sa mère. C’est par elle, Martiniquaise née en Guyane, arrivée à Paris en 1949, qu’il connaît le mieux ses origines à lui, mêlées, colorées, floues. Par des récits, confidences, anecdotes répétées, et des lettres d’une belle écriture à son image : spontanée, chaleureuse. Lui, il est romancier. Un appel téléphonique lui fait soudain ressentir l’urgence de rassembler les souvenirs des vingt premières années de sa maman. Mais parfois il se demande si l’intime et l’infime ne vont pas lasser le lecteur…

Il n’y aurait que les souvenirs d’Olga, simplement rapportés par son fils, Philippe Annocque, on serait déjà infiniment touchés, attendris par la délicatesse de l’évocation de paradis perdus, de déracinements successifs, de traversées de l’océan et du temps, de changements de pays, de prénom, presque de famille. Mais la manière dont ils sont présentés, tissés, procure aussi un grand plaisir de lecture. Une kyrielle de courts chapitres titrés avec esprit, et dont l’enchaînement fait penser à une comptine ; en intercalaire, une mélopée qui se construit au fil du recueil et instille inquiétude et désarroi devant l’échéance inéluctable. Par endroits, l’auteur laisse malicieusement apparaître la trame de son travail, explique ses atermoiements narratifs et ses choix de réécriture, expose sa réflexion sur les affres de l’inspiration autobiographique bataillant avec la mémoire, jusqu’à la découverte ou la construction de soi. (T.R. et C.B.)