Les voix du Pamano

CABRÉ Jaume

Voici un grand roman catalan : la saga d’un village des montagnes. Contrebande, franquisme, Résistance et un incessant désir de vengeance brossent une atmosphère d’humour sombre déjà appréciée dans L’ombre de l’eunuque (NB juillet 2006). Le récit est dominé par la personnalité d’une femme fascinante, belle, intelligente et riche, habitée d’une insatiable haine. Depuis qu’enfant, en 1936, elle a assisté à l’assassinat de son père et de son frère, elle n’hésite pas à se faire justice elle-même, jusqu’au bout.  Il n’est pas souhaitable d’en dire plus car Jaume Cabré (Prix Méditerranée 2004 pour Sa Seigneurie), écrivain, philologue et scénariste, aime jouer avec la construction du roman autant qu’avec les mots. Il met en relief avec art les ombres, les lumières et l’évolution de chaque personnage, ses scènes sont d’un réalisme prenant. Dans un style d’une richesse subtile, il se joue habilement de la chronologie, laissant le soin de décrypter les faits et les secrets de famille. Déroutant. Le désarroi, c’est aussi ce que vit l’instituteur qui débarque dans ce village, candide, puis héros, manipulé alternativement par les phalangistes, les résistants antifascistes, et les femmes. Et la guerre est là, toujours dérisoire, en toile de fond, avec ses crimes et ses héroïsmes. Exceptionnel.