Né en 1911 à Putian en Chine, Yong Sheng est le fils d’un charpentier, réputé pour la beauté de ses sifflets pour colombes. Confié pour son éducation au pasteur Gu et à sa fille Mary, marié à quatorze ans, il devient lui-même pasteur après des études au séminaire de Nankin. Après quelques brèves années d’apostolat, la fondation de la République Populaire en 1949 marque pour lui le début de longues souffrances…
Très largement inspiré de l’histoire de son grand-père qu’il vénérait, l’un des tout premiers pasteurs chinois, le roman de l’auteur (Trois vies chinoises, NB avril 2011) combine avec bonheur réalisme de la fresque historique et magie du conte. C’est presque tout le XXe siècle chinois, si riche en bouleversements et en retournements, que l’on traverse aux côtés de ce pasteur, sauvagement torturé pour sa foi, et dont les souffrances évoquent celles du Christ. Dans ce monde de délation tous azimuts et de cruauté sauvage où chacun tente de sauver sa peau, le côté sombre et tragique du livre est illuminé par des éclairs poétiques, l’odeur envoûtante d’un arbre magique, des références bibliques ou liées aux légendes chinoises, ou encore des anecdotes sur l’élevage raffiné des colombes… Une fois de plus le talent de conteur de Dai Sijie fait merveille et offre une histoire magnifique, plein de fureur et de féerie. (J.M. et M.-N.P.)