Cancérologue dans un grand hôpital parisien, Léna Kotev qui se dévoue à son père vieillissant, seule famille qui lui reste, semble vivre dans une tension permanente. Célibataire, elle est l’ultime descendante d’une longue généalogie de médecins juifs, frappée par les drames du siècle passé, chaque génération étant marquée par un destin tragique. Son arrière-grand-père Pavel a exercé à Ludichev en Russie tsariste, parcourant à cheval les villages environnants au service des plus pauvres avant d’être victime d’un pogrom en 1905. Son grand-père, Mendel, devenu à Berlin un éminent professeur entre les deux guerres, est contraint à s’exiler à Nice et connaît également une fin terrible en 1943. Puis, dix ans plus tard, Natalia, la jeune sœur de Mendel, se voit accusée de faire partie du fameux complot des « Blouses blanches » du Kremlin. Léna saura-t-elle, avec la sensibilité qui est la sienne, faire face à la pesanteur des filiations ?
Laurent Seksik, médecin et romancier, est avant tout un grand spécialiste de l’âme humaine comme il l’a précédemment prouvé dans Le cas Eduard Einstein. Ainsi, maniant subtilement sa plume tel un scalpel, parvient-il à disséquer époques et destinées, habilement présentées dans les trois parties du roman par une alternance de flashs successifs. Et c’est au travers d’une saga familiale hors du commun qu’il fait vivre d’une façon directe et passionnée l’histoire contemporaine. Laurent Seksik montre avec talent à quel point la force de la tradition ainsi que le poids familial sont capables de contrebalancer les pires coups du sort. En émaillant le roman familial d’une réflexion profonde, il rend hommage à la médecine pratiquée à des fins nobles et généreuses. Un livre poignant, impossible à lâcher et difficile à oublier, qui remet en mémoire une fresque historique particulièrement tragique. Heureusement, la lueur d’espoir finale permet d’imaginer que l’héroïne sort régénérée de la succession de drames dont elle est dépositaire.