Dix ans d’écart séparent Jean Moulin et René Bousquet (nés respectivement en 1899 et 1909), dont les vies présentent à la fois de nombreuses analogies et une destinée opposée. Issus de familles de la haute bourgeoisie républicaine, biterroise pour le premier, montalbanaise pour le second, ils présentent des ressemblances marquantes, cursus similaire, ambitions affirmées, qui en font les plus jeunes préfets de leur génération. Mais les hasards de leurs rencontres les dirigeront vers des itinéraires radicalement opposés : pour l’un Cot et de Gaulle, pour l’autre Laval et Pétain. A priori le rapprochement semble osé car l’histoire est écrite ; cependant la fine analyse d’Alain Minc (Un petit coin de paradis, NB mai 2011) éclaire des aspects ignorés de chaque personnalité. Si l’action de résistant et le martyre de Moulin sont connus, sa jeunesse de dandy et son carriérisme le sont moins. Bousquet manifeste de semblables inclinations, mais son image se détériore dès que, chef de la police de Vichy, il agit sans état d’âme. Préfets, donc hommes d’ordre, ils exercent leur autorité vers des objectifs divergents. L’ouvrage, bien composé et très documenté, évite les jugements arbitraires et offre une intéressante synthèse sur les cruelles années d’occupation.
L’homme aux deux visages. Itinéraires croisés : Jean Moulin/René Bousquet
MINC Alain