Marcel Pesnel, homme fruste et malin, récupère, sur les plages du Débarquement, des morceaux de ferraille et des objets insolites qu’il transforme et vend. Car les touristes sont avides de souvenirs et d’histoires de la guerre, que Marcel n’a pas faite mais qu’il raconte généreusement. La renommée venant, il reçoit des commandes ; un homme politique local très puissant lui parle de projets touristiques sur la côte. Pourquoi ne pas s’engouffrer dans cette idée, et seul de préférence ? Bertrand Legendre choisit, pour cadre de son premier roman, le Cotentin. Cette partie de la côte normande, haut lieu de commémorations, se transforme chaque année en « cirque pseudo militaire » générant une manne touristique. L’auteur dresse du héros un portrait acéré, un asocial devenu artiste du « war art » qui profite du business de la mémoire. Il décrit surtout, minutieusement, les manoeuvres cyniques des puissants – intimidation, corruption, violence – prêts à tout pour conserver leur pouvoir. L’écriture, assez belle pour décrire les paysages, se fait plus rude lorsqu’il s’agit de désigner la brutalité des hommes. On peut s’attacher à ce récit, imprégné de pessimisme et de dérision, forçant le trait à l’excès, mais qui laisse entrevoir une morale. (C.M. et M.Bo.)
L’homme brut
LEGENDRE Bertrand