Sur une petite île des Antilles occidentales se tient l’université d’été d’un centre de recherche nucléaire européen. Une jeune chercheuse turque, frustrée par l’ambiance quasi scolaire du symposium, abandonne ses collègues pour découvrir le rivage caribéen. Elle y rencontre Tony, rasta et vendeur de coquillages. Peu séduisant, il la fascine pourtant, entre peur et attirance, désir et méfiance.
Écrit en 1993, c’est le premier roman de l’auteure turque aujourd’hui très engagée (Le silence même n’est plus à toi, NB avril 2017). Comme la narratrice, Asli Erdoğan a renoncé très jeune à une carrière scientifique prometteuse pour l’écriture, les voyages, l’anthropologie. Face à l’océan, son héroïne découvre en même temps que les rythmes créoles, une humanité différente, dangereuse, violente, mais proche de la nature et libre. Quelques jours sous les tropiques et un homme étrange lui font retrouver sa féminité perdue et le désir sexuel qu’elle avait enfouis pour survivre dans le monde masculin et intellectuel qui la faisait souffrir. Les blessures intimes longtemps tues ressurgissent comme dans un exorcisme vaudou. Une histoire d’amour ambiguë et complexe, une réflexion sur l’exotisme, un tableau mordant du machisme universitaire, et surtout une écriture tendue, précise et sensuelle. (.R. et M.-C.A.)