Le narrateur roule au volant dâune voiture neuve. Il roule entre son domicile campagnard et son bureau situĂ© dans la ville voisine. Le ronronnement du moteur, lâodeur des siĂšges, le plastique du tableau de bord le fascinent. Ă lâinsu de sa femme, il fait des dĂ©tours par des routes secondaires, voire des chemins forestiers, simplement pour rouler. Un jour, il trouve un vieux fusil dans sa cave et le cache dans le coffre. Tandis que son obsession de rouler grandit â il multiplie ses escapades, dĂ©serte son bureau, sans lâavouer Ă quiconque â la prĂ©sence clandestine du fusil dans le vĂ©hicule fait basculer sa vie. Il ne se passe rien ou presque dans ce monologue intĂ©rieur oĂč revient inlassablement un quotidien fait dâallers et retours en voiture entre la maison et le bureau. Câest pourtant de la rĂ©pĂ©tition mĂȘme de cette situation ordinaire quâĂ©merge insensiblement une dynamique romanesque particuliĂšre Ă lâauteur (La montĂ©e des cendres, NB fĂ©vrier 2013) : lâirruption subreptice de lâinsolite, le passage insensible du banal Ă lâobsessionnel, et mĂȘme Ă lâhallucinatoire, Ă partir des mots les plus simples. Une Ă©criture sobre, directe, trĂšs Ă©vocatrice, la maĂźtrise dâun vocabulaire exceptionnellement variĂ© servent cet Ă©pisode intime au dĂ©nouement dĂ©concertant.
L’homme descend de la voiture
PATROLIN Pierre