L’homme invisible

RAPAPORT Gilles

L’homme s’adresse au lecteur et parle Ă  la premiĂšre personne. Il se sent invisible : il vit la clandestinitĂ© des sans-papiers. La foule, les individus le croisent dans la rue sans le voir, indiffĂ©rents Ă  sa prĂ©sence. Il a tout quittĂ© pour tenter de s‘accrocher Ă  ce rĂȘve de vie meilleure. Il dit l’exil, tout ce qui n’est plus, le passĂ©, les drames vĂ©cus dans les pays en conflits, les morts, la solitude. Il dit sa dĂ©termination Ă  rester, Ă  atteindre son but, le miracle de l’autre qui tend la main, qui offre de quoi rĂ©chauffer le corps et le coeur.

 

La clandestinitĂ©, cette longue route de l’errance sans fin, l’abandon aussi de sa propre personnalitĂ©, comme une noyade dans la non-existence : tout est dit en quelques mots, en quelques regards. Le graphisme puissant de l’artiste allie des images fortes aux phrases courtes, coupantes, chargĂ©es de sens. Dans une succession de gros plans comme travaillĂ©s au burin, rĂ©vĂ©lant l’intensitĂ© de sa personnalitĂ©, la force du visage de l’homme s’oppose Ă  sa silhouette en filigrane, fantomatique face Ă  la foule qui ne se dĂ©tourne pas d’un pas. L’omniprĂ©sence des effets sombres, des attitudes abattues, des regards perdus dans un ailleurs insondable traduisent l’homme soumis Ă  un destin qui l’accable mais ne le broie pas : la rĂ©surgence des couleurs Ă  la fin de l’album traduit l’espoir et la volontĂ© du retour Ă  la vie.