Quelque part dans le Donbass en guerre en janvier 2015. Pacha quitte la maison pour aller chercher son neveu de 13 ans à l’internat, à l’autre bout de la ville. Un interminable périple commence dans la neige humide, trois jours de cauchemar pour ramener le gamin sain et sauf à la maison.
Seryi Jadan raconte cette étrange guerre du Donbass qui oppose soldats ukrainiens et séparatistes pro-russes sur un territoire transformé en un incertain champ de bataille : il décrit avec une précision cinématographique arrêtée sur le détail un no man’s land où errent ceux qui ont toujours vécu là et « qui n’ont rien demandé », ballotés, déplacés, fuyant, fantomatiques, la violence ou la peur des bombardements. Du côté des combattants, les drapeaux déchirés sur les chars ne permettent d’identifier personne, ni les voix aux intonations russo-ukrainiennes. Émerge de cette absurdité le personnage de Pacha, le prof, un fonctionnaire donc, qui enseignait « la langue ». Laquelle ? Si la langue est, de gré ou de force, marqueur identitaire, ici rien n’est arrêté. Drôle de guerre au contact de laquelle, comme une raison de ne pas désespérer, le romancier fait naître entre l’adulte et l’enfant un lien très fort ; et pour clore l’apprentissage du plus jeune, lui confie symboliquement la narration des dernières pages et le mot de la fin, le but du voyage, de tout voyage peut-être, enfin atteint : « La maison sent les draps propres ». (C.B et Mo.D)