Loin des querelles du monde

ROZEN Anna

Un brave type, Germain : écrivain à succès, il écrit, consciencieux, efficace. Déjeunant d’une sucrine et de miettes de thon, il rêve d’un vrai roman qui l’installerait au zénith littéraire mais son neveu Zeph, dix-neuf ans, qu’il héberge gentiment et qui le maintient dans la modernité, vient souvent l’interrompre. Et il songe à sa cinquantaine entamée, à son estomac en léger surplomb… Grand temps, médite-t-il, de jeter ses derniers feux. L’aura de son succès attire encore dans son lit de séduisantes créatures, mais pour combien de temps ?   

Intellos, bobos, écolos… Anna Rozen, soixante ans (J’ai eu des nuits ridicules, HdN septembre 2014), polygraphe reconnue, se moque gaiement d’un milieu qu’elle semble bien connaître. Dîners en ville ou rendez-vous professionnels, autant d’occasions de recruter une partenaire pour des débats, hélas ! aussi élaborés qu’éphémères. La soeur du héros, fermière d’opérette, fabricante de sous-vêtements sexy en poil de chèvre, a peut-être cependant trouvé « son » homme. Le langage est châtié (hors interventions du neveu), les dialogues élégants, avec citations, allusions culturelles et littéraires (milieu oblige !) et des personnages assez finement construits pour être crédibles. La caricature se veut sévère mais, légère, elle s’envole sans laisser de traces.  (M.W. et C.-M.T.)