Conférences, lectures, préfaces, signatures de ses livres, voyages : ces exigences le tuent ; elles redoublent quand il obtient le prix Nobel. La maladie de Parkinson le ronge, sa femme souffre d’un cancer. Rescapé de la Shoah, il voit venir le prochain massacre, l’antisémitisme règne. Dans sa Hongrie natale, la haine et la jalousie le cernent. Une seule issue possible, écrire. Écrire son dernier roman, raconter ses avancées, ses reculs, ses méditations dans un journal où il note aussi bien les progrès de la maladie, la vacuité de son existence ou les visites amicales. Il y intercale une première ébauche de L’Ultime Auberge, retourne à la « trivialité » des notes, réfléchit sur sa vie, jusqu’aux derniers jours. La deuxième ébauche termine ce “roman” complexe et bien peu romanesque : douze pages d’une densité magistrale, autour du personnage de Lot, l’homme juste. D’évidence, noms, lieux, événements l’indiquent, le vieil écrivain désespéré est l’auteur lui-même. Ou presque. Imre Kertész (Journal de galère, NB décembre 2010) n’est pas mort, il présente ici « le couronnement de son oeuvre », démonstration d’une déchirante intensité de l’élaboration littéraire, extraite de la tourbe du quotidien, dans l’effervescence et l’exigence de l’écriture, dans le travail des nuits.
L’Ultime Auberge
KERTÉSZ Imre