Sur un trottoir londonien, Helen, octogénaire, croise Frank qu’elle n’a pas revu depuis leur séparation vingt-trois ans auparavant. Elle le retient pour lui conter sa version de leur longue histoire commune commencée dans les années cinquante à Rome où leurs pères étaient diplomates. Adolescents en rupture avec leurs familles respectives, ils s’installent d’abord à Amsterdam. Helen étudie et écrit, Frank se découvre tardivement une vocation de peintre qui le rend célèbre, mais leur relation emprunte vite des chemins chaotiques qui conduisent au drame.
Julia Kerninon possède un talent de conteuse et sait explorer les arcanes des relations amoureuses (Le dernier amour d’Attila Kiss, NB mars 2016). Elle privilégie avec bonheur la forme d’un monologue de son héroïne. D’emblée, on est saisi par l’originalité de cet amour qui ressemble plutôt à une complicité ambiguë, bâtie sur la détestation du milieu familial, parents ambitieux et castrateurs pour l’un, frères violeurs pour elle. Jouant sur l’opposition de leurs caractères – Helen est organisée et travailleuse, Frank insouciant et opportuniste –, l’auteur déroule leurs itinéraires amoureux dissymétriques, et révèle peu à peu la passion sourde et tenace qui habite Helen et les conduit à la rupture. Une écriture maîtrisée et personnelle habille parfaitement ce beau roman. (L.K. et T.R.)
Prix CBPT 2019