Vu lâĂ©tat de ses habits et de ses chaussures, le nom impossible Ă mĂ©moriser qui est le sien, chacun devine que le nouveau venu vient de trĂšs loin. Il se bricole une maison, fait des travaux ici et lĂ , apprend quelques mots de français. Un jour, il est mĂȘme appelĂ© Ă dĂ©fendre la patrie. Mais quand il rentre de la guerre et quâil parle de faire venir femme et enfants, les gens peu reconnaissants lui font comprendre quâil doit partir.
Seul le petit Gaspard, accompagnĂ© parfois de deux ou trois enfants, sauve lâhistoire dĂ©sespĂ©rante de cet exilĂ© que les habitants regardent affronter les difficultĂ©s sans bouger. Il aime Ă©couter cet homme raconter des histoires et chanter. Pour les autres, son nom imprononçable se rĂ©sume Ă Machin-Truc-Chouette ou Machin-Truc-Bidule, câest selon, mĂ©prisant de toute façon. Lâillustration, collages aux angles abrupts, aux teintes ternes, sont Ă lâimage de lâindiffĂ©rence des autochtones et lâinvisibilitĂ© de lâexilĂ©. Les regrets trop tardifs de la population ne compensent pas la mĂ©chancetĂ© des adultes, lâimpuissance des enfants. Un livre pour dĂ©noncer et faire rĂ©flĂ©chir, mais dĂ©moralisant dans son manichĂ©isme. (A.-M. R. et M.-J. C.)