Madame Péruvienne : Françoise de Graffigny, une femme sensible au siècle des Lumières

MERCIER Gilbert

Étonnante figure que Françoise de Graffigny, tombée dans l’anonymat sitôt morte, mais célèbre au siècle des Lumières pour son roman Lettres d’une Péruvienne et une comédie larmoyante. Un cruel manque d’argent et un « guignon » opiniâtre marquent une vie aux péripéties inépuisables. De la Cour de Lorraine au château de Cirey où demeure le couple infernal Voltaire-Madame du Châtelet, à Paris enfin, où son salon est fréquenté par les intellectuels en vue, elle s’attache des amitiés indéfectibles. Romanesque, sentimentale, elle aime les jeunes gens – les jeunes femmes aussi prétendent les mauvaises langues. Sa bonne humeur, son insouciance, sa générosité et surtout son art de la conversation, son « caquet », rendent « la Grosse » indispensable.

Sa correspondance, redécouverte aujourd’hui par un groupe d’universitaires, révèle son goût des ragots et des intrigues. Cet esprit acéré, à la langue familière, spontanée, volontiers moqueuse, détonne par sa liberté et son goût du sentiment, avant Rousseau. Gilbert Mercier, qui avait déjà publié Madame Voltaire (NB juillet 2001), fait preuve d’une verve à la mesure du personnage. Égratignant les idoles – le séjour à Cirey vaut le détour – il mêle causticité, émotion et érudition.

C.Bi. et A.Be.